A 15 ans on dit d’ces trucs… J’vous
jure.
Si vous m’aviez demandé à mes 15 ans
si j’avais déjà goûté à la cuisine mexicaine, je vous aurais sûrement répondu
une fanfaronnade du style « ben oui, tu crois que je sors d’où ? De
Cucuron ? » (mes excuses les plus plates avec 17 ans de retard aux
très respectables habitants de Cucuron – Vaucluse)
en faisant référence à la fois où ma
charmante famille d’accueil américaine en Caroline du Nord m’avait emmenée me
bourrer de nachos et de pseudo quesadillas au Taco Bell du coin.
Ce qui en gros revient à comparer
l’œuvre d’art sertie de son solitaire à 3 carats achetée chez Fred, Place
Vendôme par le vieux monsieur distingué qui a partagé 60 ans de vie commune et
de crédit/bail emphytéotique/emmerdes avec vous, à la bague de la tirette à 2
francs offerte en se mouchant avec le bras par l’adolescent boutonneux qui
partage vos demies journées pédagogiques depuis 47 heures et 35 minutes.
Bon même si depuis ce ne sont plus
les demies journées pédagogiques que se partagent les adolescents de 15 ans
mais plutôt la compilation de chaque seconde commentée sur le réseau social le
plus proche de chez vous, il semble qu’une conversation de ce genre soit toujours
d’actualité puisque j’ai surpris pas plus tard qu’hier une réflexion culinaire
d’une grande profondeur : un adolescent se plaignant avec morgue de la
bonne sauce aux tomates fraiches maison concoctée avec probablement amour et
rage par sa mère débordée, et lui préférant « 200 millions de fois la
sauce industrielle, parce que ben les vraies tomates c’est quand même trop
acide, quoi ».
Ce qui m’amène à 2 interrogations
fondamentales quant à la survie future du genre humain :
1)
Quelle
a été la composition de la potion magique ingurgitée par l’industrie
agro-alimentaire pour avoir le pouvoir de rendre les tomates non
acides ?
2)
En
décryptant enfin en totalité l’ADN de nos semblables, les chercheurs ont-il été
amené à découvrir l’allèle responsable du fléau de l’adolescence ? et si oui, à
qui faut-il envoyer le chèque pour en débarrasser sa progéniture ad vitam
aeternam ?
Bref, revenons à nos sombreros.
Ayant depuis appris que Taco Bell
fait tout sauf ce qui se mange, et que les nachos sont d’origine tex-mex et non
mexicaine, la cuisine mexicaine et moi avions été jusque-là comme de lointains
cousins issus de germains.
Très heureux de nous retrouver lors
de réunions festives en de rares occasions, comme tout particulièrement dans ce
très chouette restaurant de Paris 5ème : l’Anahuacalli, qui
vous offrait à l’époque – il y a 5 ans déjà que j’ai quitté Paris donc… - un
vrai fabuleux voyage gustatif au pays du serpent à plumes) mais en dehors de
ça, loin des yeux loin du ventre (bon à part quand je suis saisie d'une furieuse envie de revisiter...)
Et pourtant c’est une véritable
pulsion adolescente qui m’a saisie lors d’une de mes visites dans une
magnifique épicerie du Monde de la Rue St Michel à Marseille, à côté de la
Plaine : une véritable caverne d’Ali Baba de produits culinaires
directement importés des 4 coins du monde.
Le genre d’endroit où il est
absolument impossible de résister à un brusque accès de Foodista Fever.
Or quand mes yeux se sont posés sur
d’adorables petites tortillas d’une dizaine de cm de diamètre j’ai su, que ce
soir, la soirée serait mexicaine… ou ne serait pas.
Cependant dans une maison
strictement dépourvue de piment jalapeño, de tomatillos, de crème aigre ou bien
même d’avocat, un voile sombre a commencé à se jeter sur ma soirée…
C’était sans compter la formidable
ressource puisée dans ce retour à l’âge ingrat où je baignais depuis quelques
heures.
Qu’avais-je dans mes placards ?
Des haricots rouges, mes fabuleuse
petites tortillas, un yaourt nature, un petit-suisse… et de la sauce bolognaise
maison.
Oui je sais j’en rougis, mais j’ai
osé nous chanter un ode aux Mayas… sur cet air d’enchiladas là :
Ingrédients (pour 6 personnes)
-
Environ
500 g de bolognaise maison (composée donc de carottes, oignons, mélange de bœuf
et porc hachés, tomates, et huile d’olive)
-
12
petites tortillas (de blé ici)
-
500
g de coulis de tomate
-
500
g de haricots rouges en conserve
-
1
yaourt nature
-
1
petit-suisse
-
150
g de fromage râpé
-
De
la ciboulette
- Du
chili (mélange des épices suivantes : piment fort, paprika, ail, cumin,
origan, girofle)
-
Sel
et poivre
Tout d’abord commencez à rallonger
un peu votre bolo maison en y incorporant le coulis de tomate et en la
refaisant mijoter un petit quart d’heure, et ce sans avoir oublié de lui donner
un air de famille en y ajoutant une bonne rasade de chili (si vous aimez quand
c’est fort ! sinon 2 pincées suffiront…)
Ajoutez ensuite les haricots rouges
égouttés, refaites encore mijoter environ 10 minutes et coupez le feu.
Huilez votre plat à gratin,
préchauffez votre four à 190° environ, puis disposez-y les tortillas garnies du
mélange « chili/bolo »… (ne croyez pas que ça ne me coûte pas de
l’écrire…).
Parsemez de fromage râpé, faites
votre maligne en fermant les tortillas trop petites que vous avez remplies
jusqu’à la gueule par des cure-dents, couvrez du reste de chili-bolo et enfournez
pour environ 15 minutes (jusqu’à ce que ce soit bien gratiné).
Pendant ce temps, mélangez le yaourt
et le petit-suisse (vous pouvez ajouter un peu de jus de citron pour le rendre
plus « aigre » mais c’était la dèche chez moi ce soir-là…), salez et
poivrez, incorporez la ciboulette ciselée et réservez au frais.
Quand les « enchiladas »
sont bien gratinées, sortez du four, parsemez de sauce et servez immédiatement…
Que les amis mexicains qui pourraient lire
cette recette ne me jettent pas des seaux entiers d’huitlacoche à la
tête : comme dans toute forme d’adolescence, la transgression s’accompagne
toujours (de façon dormante à l’âge ingrat, puis consciente à l’âge adulte)
d’un profond respect pour les valeurs qu’on croit fouler aux pieds…
Donc amis mexicains qui me lirez,
cet air d’enchiladas là vous salue bien bas.
Et c’est avec un plaisir immense que
je prendrais des cours de cuisine mexicaine de qui voudra bien me les donner.
En tout cas, on s’est régalés.
Je crois bien que j’ai même un peu
(beaucoup) mangé salement avec les doigts.
A 30 ans, on fait d’ces trucs…
J’vous jure.