Il y a de ces
recettes immuables que l’on connaît tous.
La blanquette
de veau de maman, le quatre quarts de Tatie Francine.
Ou le cake
aux fruits confits de Mémé.
Ah celui-là
tout un poème, parce que généralement enfant, on n’aime pas les fruits confits,
on les trie…
Ado, on aime
que ce qui est industriel, donc plus y a de graisses trans et de fruits qui n’ont
de fruits que le nom mieux c’est (merci Papi B. et le colorant E280)
Et puis
adulte, une fois qu’on s’est entêté à ré-apprivoiser la bête, on ne peut plus s’en
passer, comme avec cette très belle recette de Cakes in the city, puisque les
classiques y a que ça de vrai.
Mais vous le
savez aussi bien que moi, pour un esprit retors, « immuable » c’est
comme un gros mot.
C’est une
invitation délicate à ruer dans les brancards, à dire « non » juste
pour le plaisir immense de savourer les délices de la contradiction, bref « immuable »
c’est fait pour être secoué dans tous les sens (merci Dr Freud).
Et puis d’abord
qui c’est qui a dit que les cakes on ne devait les faire qu’avec de la levure
chimique ?
Bon à part
Escoffier, Hermé, Felder, Michalak et tous les autres qui ?
Hein ?
Ben d’abord,
non.
Si on a
envie, le cake on le fait avec de la levure de boulanger, même que s’il veut, il
peut se prendre pour une brioche, moi ça m’est égal, ça sert juste à prouver que
même dans le trou perdu de votre lieu de villégiature d’été, dans le joli petit
gîte 3 épis que vous aurez trouvé où il n’y aura pas la Grande Epicerie à côté,
votre côté Mac Gyver moderne mais policé ravira vos chérubins : pas de
levure chimique, mon chéri, point d’inquiétude, pars en quête d’une boulangerie
et je t’apprêterai ton cake aux fruits confits (il parle bien Mac hein ?)
Et puis comme
ce serait quand même inenvisageable de rentrer dans un carcan trop oppressant,
votre cake au levain, façon Richard Dean Anderson, vous le customisez avec
luxe.
Eh oui ce n’est
pas parce qu’on va dans des gîtes où il n’y a pas de levure chimique qu’on ne
peut pas apporter de superbes raisins sultanines gros comme des pépites, de
vrais fruits confits entiers qu’il vous restait de votre dernière Epiphanie Frenzy et du thé Mariage Frères…
Ah le thé
Mariage Frères, tout un programme.
Je suis d’ailleurs
fière de vous présenter mon nouveau type de partenariat : en gros j’achète
leurs produits avec extase et je le dis à qui veut l’entendre, et en échange
ils me prennent mes sous.
Ça fonctionne
du tonnerre, c’est une affaire qui roule.
Donc vous
voilà dans votre gîte, les enfants sont partis visiter la ferme pédagogique, il
est temps de vous lancer, et puisque vous ne vous mouchez pas du coude (y a pas
de raison après tout), de vos blanches mains, donnez naissance à un prince, que
dis-je à un Roi.
En
exclusivité, Mesdames et Messieurs, voici donc le Russian Tsar, cake au levain, aux fruits confits, raisins sultanines et thé
vert aux agrumes.
On a fait des
révolutions pour moins que ça.
Ingrédients (pour un imposant
souverain, qui régalera 6 personnes au moins)
Pour le
levain :
-
60 ml de lait
-
70 g de farine
-
20 g de levure fraîche
Pour le reste
de l’appareil à cake :
-
125 g de beurre pommade
-
90 g de sucre rapadura (s’il y en a au 3 épis, envoyez moi un mail,
sinon du canne fera amplement l’affaire)
-
100 g de raisins sultanines
-
300 g de farine
-
185 g de fruits confits divers
-
25 ml de thé Russian Star de Mariage Frères
Faites
infuser une dose de Russian Star dans le lait bien chaud. Laissez amplement
refroidir jusqu’à ce qu’il soit tiède, enlevez la boule à thé, et diluez la
levure fraiche dans le lait aromatisé.
Ajoutez la
farine, fouettez le tout, et laissez lever une vingtaine de minutes à
température ambiante.
Faites
infuser une autre dose de thé dans un mug, plongez-y les raisins et laissez-les
s’imprégner doucement pendant une quinzaine de minutes. Coupez les fruits confits
en dés grossiers pendant ce temps.
Égouttez les
raisins, réservez, pesez les 25 ml, réchauffez le reste et accordez-vous un tea
time moment.
Préchauffez
votre four à 190° en chaleur tournante.
Ensuite, mélangez
au batteur le beurre pommade et le sucre (si c’est du rapadura, le mélange est
d’une couleur et d’une texture peu engageante, c’est normal, ne vous formalisez
pas les Rois sont des hommes comme les autres après tout).
Ajoutez la
farine, puis le levain qui aura bien monté dans le bol du robot et mélangez
bien (la pâte s’amalgame un peu mais laissez-lui le temps), détendez-la un peu
en versant alors les 25ml de thé réservé
au préalable.
Ajoutez
ensuite les raisins secs, puis les fruits confits (que vous aurez un peu fariné
au préalable) et laissez tourner le robot pour obtenir une pâte homogène mais
assez collante et compacte.
Beurrez
soigneusement un moule à cake et versez-y bon gré mal gré le rejeton qui vous
semble un peu trop difforme pour être Roi…
Laissez la
pâte prendre sa place dans le moule pendant quelques minutes et enfournez pour
une quarantaine de minutes (surveillez le tout de même attentivement, la peau
des princes russes est chose fragile…)
Pendant
environ 25 minutes vous me maudirez jusqu’à la 3ème génération pour
vous avoir embringué là dedans, le cake n’ayant pas du tout l’air d’un cake (il
ne monte pas tout de suite) et les enfants s’apprêtant à revenir en ayant les
crocs.
Et puis
miracle, au bout de ce temps, la pâte lève, se gondole, pousse et prend la
forme convenue.
Sauf qu’en
plus, une bonne odeur de levure (enfin pour ceux qui aiment hein) flotte dans
la pièce.
Et au final
me direz-vous, à part débiter un monceau de c******** sur un billet de blog, qu’est-ce
que ça apporte de pouvoir faire un cake avec un levain ?
Eh bien déjà
l’odeur précitée, et c’est déjà beaucoup mais je suis une femme qui se contente
de peu.
Et puis ensuite,
la texture est étonnante, on a un cake devant les yeux et on mord dans une
sorte de brioche un peu dense et compacte… Etonnant. Limite moléculaire.
Et enfin il ne
rassit pas comme un cake, mais effectivement comme une brioche. Et au final ce
n’est pas si mal, parce que les cakes rassis c’est pas mal estouffe, alors que
les brioches un peu rêches moi j’en fais mon quatre heures sans aucun problème.
Bon j’arrête
d’en faire des tonnes, mon Prince russe il m’a bien plu comme ça, je vais lui
laisser sa chance va.
Allez je vous
laisse je dois aller vérifier que ma ressemblance avec Richard Dean Anderson s’arrête
bien à notre coupe de cheveux.